Femmes rurales

Publié le par Mme Coulibaly Lala Sadéssy

 
Résumé

• Les tâches et les responsabilités des femmes rurales sont multiples. Elles varient en fonction, notamment, de l'âge, de l'origine géographique, ethnique, sociale et de l'appartenance de classe. Elles vont de l'entretien matériel et moral de la famille à la participation à la production agricole, artisanale et aux activités de transformation, de commerce, etc.

• Cette contribution est reconnue, mais l'autorité familiale est d'abord masculine. La prééminence masculine, socialement et culturellement établie, confère, à l'homme, le titre de chef de famille.

• Les femmes ne deviennent chefs de famille que dans des circonstances définies, lorsque les hommes font défaut: veuvage, divorce, célibat, chômage des hommes, abandon par le conjoint, émigration masculine, etc. Il leur arrive aussi d'être les chefs de fait de l'unité de production qui fournit l'essentiel des biens et des revenus domestiques, sans pour autant avoir le statut.

• Entre 5 et 25% des familles sont dirigées par des femmes. On n'a jamais estimé le nombre de familles qui bénéficient du soutien effectif, voire exclusif des femmes, que les hommes soient présents ou non.

• La participation des femmes à la gestion des ressources est capitale en milieu rural, sans qu'elles en aient pour autant le contrôle. Les chefs d'exploitation agricole sont d'abord des hommes. La terre est un facteur de production essentiel: elles n'héritent, dans l'ensemble, ni de la propriété ni du droit d'usage.

• L'exploitation rurale gérée par les femmes chefs de famille revêt des spécificités liées à leur appartenance de sexe. Les femmes ne sont pas considérées comme des agricultrices et des productrices à part entière. La logique des superficies, les contraintes en matière de main-d'oeuvre ou de technologie ne sont pas identiques, pour cette raison, à celles des hommes.

• Elles gèrent des terres moins importantes en superficie et en qualité que les hommes, qu'elles soient allouées par la tenure foncière coutumière ou les politiques actuelles de développement. Les terres des projets agricoles leur sont le plus souvent attribuées en groupement collectif; elles n'en tirent pas grand profit.

• La main d'œuvre familiale et salariée leur est comptée sur leur propre exploitation, alors qu'elles servent de force de travail essentielle gratuite dans la production agricole africaine. Leur contribution est rarement évaluée en termes de travail, de temps et de valeur d'échange.

• La faiblesse de l'utilisation des équipements mécaniques et des technologies avancées par les paysannes africaines est notoire, en raison de leur coût élevé, mais surtout de la discrimination à leur égard: pas de garantie pour l'attribution des intrants, vulgarisation des technologies assurée sans elles ou à leurs dépens, marginalisation voire exclusion des politiques technologiques.

• La prééminence des hommes sur la gestion du foncier et du capital familial a réduit la participation féminine aux centres de décision. Le pouvoir d'État, qui a mis du temps à reconnaître leur présence dans les unités de production agricole, a renforcé l'autorité masculine, comme chef d'exploitation avec l'attribution de privilèges: accès à la terre, au crédit et aux technologies.

• Comment vivre et survivre comme femmes chefs de famille dans un contexte durci par les crises économiques et politiques qui secouent l'Afrique subsaharienne? Les contraintes qu'elles rencontrent, comme chefs de famille, sont principalement celles liées à la culture et à l'économie.

• Les soubresauts de la démocratie, les conflits ethniques et régionalistes, la dévaluation des monnaies, l'emprise d'un système planétaire où les riches s'enrichissent de plus en plus et les pauvres n'en finissent pas de s'appauvrir, ont introduit des déséquilibres qui affectent concrètement les femmes, les hommes et la société globale. La pauvreté est le mal qui touche le plus les femmes rurales chefs de ménage. Elle résulte essentiellement de l'accès inégal aux ressources, du contrôle de la production, du commerce et des finances par le pouvoir national et - multinational de l'argent.

• La pauvreté demeure considérable. Les années 80 et 90 ont vu l'approfondissement de la crise et la mise en place des programmes d'ajustement structurel. La baisse des revenus per capita due à la récession globale, la détérioration des termes de l'échange et de la balance des paiements, tout comme le poids de la dette et les crises politiques ont réduit le pouvoir d'achat des familles africaines, au point que de la majorité d'entre elles ne peuvent plus satisfaire leurs besoins de base. C'est la pauvreté qui rend les femmes seules responsables des familles. Les hommes sont au chômage, abandonnent leurs responsabilités, émigrent en raison de ces crises qui aggravent les inégalités entre pays, classes et sexes.

• Les politiques d'ajustement structurel ont été à l'origine de la dévaluation/sous-évaluation des monnaies naïra, cedi, franc CFA), du resserrement des dépenses sociales, de santé ou d'éducation et, finalement, du désengagement de l'État. Elles ont eu des conséquences désastreuses sur le niveau de vie des populations. Elles ont réduit, parfois éliminé des consommations vitales pour les ménages. L'impact de ces mesures sur le niveau de santé, par exemple, se traduit par la dégradation des infrastructures sanitaires et l'inaccessibilité des soins pour une grande partie de la population, par le retour de certaines maladies telles que la gale, l'aggravation de la mortalité maternelle, l'apparition des pharmacies de la rue, etc.

• La Décennie des Nations Unies pour la Femme a amplifié la recherche et la réflexion internationale sur les besoins spécifiques des femmes et leurs stratégies de survie. La plupart des institutions internationales, les programmes bilatéraux et multilatéraux les plus importants se sont penchés sur les problèmes et les besoins spécifiques des femmes et ont élaboré une composante féminine dans les projets. -Les programmes de mise en valeur agricole, que ce soit dans le contexte de l'irrigation, des cultures industrielles ou vivrières, ont eu leur volet féminin. Mais ces expériences ont, en vingt ans, montré leur inadaptation aux besoins réels des femmes.

• Il y a tout un processus silencieux d'émergence des femmes dans tous les secteurs de l'économie agricole et non agricole, dans ceux où ne les attend pas et dans ceux où les hommes ont quelque réticence à s'engager: gros travaux agricoles, agriculture irriguée, maraîchage d'exportation, cueillette, pêche, artisanat, commerce informel et formel local, régional et international, etc.

• Sur le plan culturel, c'est le modèle familial qui est d'abord en jeu: inégalité entre les statuts et les rôles sociaux des sexes, difficulté de partage du pouvoir. Les rapports de domination entre les sexes consacrent l'autorité masculine. Les femme négocient leur participation au pouvoir par les rôles qu'elles jouent dans l'entretien matériel et moral de la famille. Lorsqu'elles deviennent soutien exclusif de la famille, elles renforcent les espaces de pouvoir que leur délimite la culture. Elles mènent une négociation permanente entre, d'une part, leur statut de fait de chef de famille et leurs responsabilités très lourdes, et, d'autre part, les prérogatives que confère le statut et qui ne leur sont pas accordées d'emblée.

• Les rapports de domination et d'inégalité établis entre les sexes sont donc, en partie, à l'origine des autres contraintes: lacunes en matière de formation et d'éducation; difficultés à accéder aux ressources matérielles et financières, à bénéficier des intrants économiques et technologiques qui confèrent du pouvoir; obstacles à la participation aux centres de décision économiques et politiques; complicité, silence ou impuissance des lois devant l'iniquité. Il est indispensable d'équilibrer les rapports entre les sexes, de repenser les attitudes culturelles et les systèmes juridiques d'inspiration laïque ou religieuse sur le pouvoir dans la famille.

• Des stratégies de recherche précises doivent être élaborées, au niveau national et régional, pour

• définir les différents statuts de chefs de famille qui varient selon les contextes historiques et culturels,

• renforcer la collecte des données statistiques sur les femmes chefs de ménage

• étudier les formes et l'impact des changements démographiques, économiques et culturels sur les familles africaines qui font jouer aux femmes le rôle de chef de famille: concepts de ménage et de famille, répartition du pouvoir entre sexes au sein de la famille, images et autorité parentales, reproduction en termes de droit, législations familiales, accès aux ressources naturelles, matérielles et financières, etc.

• Pour les femmes rurales chefs de famille, il convient de mettre en place des stratégies au plan juridique et politique pour qu'elles bénéficient des réformes légales afin d'améliorer non seulement leurs conditions, mais leur statut dans la famille et les sociétés. Dans le cadre des pays, on peut entreprendre plusieurs démarches, pour donner du pouvoir aux femmes, renforcer leur autonomie, promouvoir leur liberté:

• établir le bilan des stratégies nationales existantes, faire bénéficier les femmes des dispositions favorables des codes de la famille et réviser ces codes, tenir compte de la relation entre les fonctions productives et reproductives des femmes en permettant la maîtrise de la fécondité, favoriser l'accès aux besoins fondamentaux (éducation, formation, alphabétisation, santé, eau, électricité, moyens de communication), reconnaître les paysannes comme agricultrices à part entière, appuyer les associations productives des femmes, soutenir leurs initiatives individuelles et collectives et leur liberté d'expression et action, promouvoir l'accès aux droits civiques.

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